3. Chimie verte et biotechnologies blanches
La chimie verte se développe depuis les années 1990
mais le concept de chimie verte a été introduit en 1998. Depuis lors, la
chimie verte et les biotechnologies blanches suscitent un fort engouement.
Cette chimie conçoit et
développe des produits chimiques et des procédés qui réduisent ou
éliminent l’usage ou la formation de substances dangereuses ou toxiques
pour la santé et l’environnement.
Les biotechnologies blanches ou biotechnologies industrielles sont basées
sur l’exploitation de la capacité fermentaire des microorganismes et de la
capacité biocatalytique des enzymes pour transformer la biomasse végétale
et ses constituants. Chimie verte et biotechnologies blanches concourent
ainsi au développement de procédés respectueux de l’homme et de
l’environnement.
Pour quantifier les bénéfices de ces nouveaux procédés plus respectueux de
l’environnement, des outils d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) ont vu le jour.
Bon à savoir
L’ACV permet d’identifier un ingrédient ou un matériau qui serait
particulièrement néfaste pour la santé humaine, pour le climat ou pour
la consommation des ressources. Cette démarche permet de comparer des
scénarios de production, d’utilisation ou de fin de vie et peut servir
d’outil d’aide à la décision pour mettre en place une démarche
d’écoconception.
Dès la fin des années 60
, les préoccupations de l’époque sur l’épuisement des ressources non
renouvelables ont incité la recherche à développer de nouvelles méthodes
pour catégoriser l’influence d’un procédé sur les consommations d’énergie
nécessaires à la fabrication d’un matériau et à projeter la rareté des
matières en fonction de la variation du stock des ressources. A l’époque,
le cycle de vie se limitait à la prise en compte de la matière première et
du procédé de fabrication.
En 1969,
lors d’une étude interne des chercheurs de Coca-Cola (pour déterminer le
packaging le moins impactant pour l’environnement) a lieu la première
analyse multicritère qui servira de base pour la méthodologie ACV. D’autres
entreprises ont suivi cette démarche au début des années 70.
Afin d’éviter l’utilisation inappropriée des ACV par des entreprises à des
fins de promotions basées sur de fausses affirmations, la SETAC (Society of
Environmental Toxicology and Chemistry) a mis en place depuis les années 90 des
développements méthodologiques
réalisés par différents groupes de travail. C’est sur base de ce travail
que l’Organisation Internationale de Normalisation a amené à la création du standard ISO
14040 de
la méthode d’ACV.
Aujourd’hui, l’ACV est couramment utilisée en R&D et comme outil de
référence en matière de communication environnementale.
Les résultats de cette analyse peuvent aider une entreprise à
communiquer sur les avantages environnementaux de son produit de
manière quantitative et, ainsi, servir de base à une stratégie de
communication.
En outre,
l’ACV permet d’évaluer le positionnement de l’entreprise vis-à-vis de
la concurrence
sur les aspects environnementaux. Cet argument compte quand on sait que de
plus en plus de consommateurs sont soucieux de l’impact des produits qu’ils
achètent.
Dans le cadre du projet ValBran, une ACV a été réalisée. Cette analyse
multicritère prend en compte l’ensemble du cycle de vie du produit et
quantifie, selon la méthodologie normalisée ISO, les impacts sur
l’environnement et la santé des émissions dans l’eau, l’air et les sols.
Tous les flux de matières et d’énergies entrants et sortants sont
comptabilisés.
Les études de la communauté scientifique sur l’ACV de produits d’hygiène et
de cosmétiques utilisant des tensioactifs montrent que ces molécules ont
peu d’impacts sur le cycle de vie du produit. En effet,
les huiles utilisées dans la formulation et la bouteille en plastique
(généralement en PET)
sont les principales sources d’impact pour la
majorité des indicateurs.
L’ACV des produits développés dans le cadre du projet a mis en évidence les
éléments impactants dans la synthèse enzymatique des tensioactifs ciblés.
Il est apparu que le rôle des alcools gras utilisés est crucial, de par
leurs origines et leurs procédés d’extraction
. Toutefois, la valorisation
d’un coproduit riche en sucres comme le son de blé permet de réduire les
impacts, comparativement à l’utilisation de sucres simples extraits de
grains de maïs ou de blé (dans lesquels se trouve l’amidon).
Néanmoins, une étude ACV poussée, sur base de données récoltées à l’échelle pilote, doit encore être menée.
Ce travail permettrait de tenir compte des consommations énergétiques des procédés
et, ainsi, fournir des résultats représentatifs de l’impact d’une future
production industrielle.
Interview
Frédérick Warzée
DETIC
Que fait l’Europe en matière de durabilité des produits ?
Avec son nouveau « Green Deal », la Commission européenne positionne clairement, le respect de
l’environnement et le
développement durable comme objectif majeur de la politique européenne. Au niveau « produit »,
l’Ecolabel européen, concrétise la volonté de l’Europe de promouvoir des produits respectueux de
l'environnement, sans perte de qualité. Un des points forts de cet écolabel est qu'il tient compte du
cycle de vie complet d'un produit, depuis le prélèvement des matières premières jusqu'à la fin de vie du
produit.
Frédérick Warzée : Il n’existe actuellement pas de statistique pour la Belgique mais les
tendances sont relativement similaires. Je note tout de même qu’il y a un grand dynamisme côté flamand
pour le développement de biotechnologies. Mais, dans l’ensemble,
le belge est un grand demandeur de
produits biosourcés finis.
En termes de production, le prix des matières premières biosourcées reste un frein au développement… En
particulier dans le domaine de la détergence. En cosmétique, le consommateur est en général prêt à payer
des produits un peu plus chers. En détergence, une fausse idée circule encore : les détergents biosourcés
seraient moins performants que leurs équivalents pétrosourcés. Ce qui est faux bien entendu. Le
consommateur est donc plus réticent. Néanmoins, il y un changement de mentalité positif dans ce secteur
applicatif également.
En général, quelle est la phase la plus impactante de l’ACV ?
On s’aperçoit que dans l’éco-design d’un produit cosmétique ou détergent, même si l’origine des matières
premières compte beaucoup, la phase la plus impactante de l’analyse est la phase
d’utilisation.
Petit exemple :
si on veut réduire l’impact environnemental d’un shampooing, il faut que le
consommateur
lave ses cheveux en trois minutes et non pas en dix et qu’il utilise de l’eau tiède et non de l’eau
chaude.
Le travail de conscientisation et d’éducation de la population est d’ailleurs le levier le plus
puissant en matière de réduction d’impact environnemental.